sam 20 avril 2024
Contes et histoires - Le sermon du curé de Sorgeat

Afin que le lecteur puisse faire la liaison "patois - français", nous avons traduit, autant que possible au mot à mot, ce qui amène certaines lourdeurs, barbarismes ou incohérences dans le texte en Français. Certains mots n'ont été traduits car nous n'avons pas trouvé, soit le sens, soit le mot français exprimant les mêmes nuances. Si vous avez des idées, elles seront les bien-venues. Vous pouvez également nous faire part de vos remarques sur la traduction. D'avance merci...

Le curé de Sourjat n'èro pas sans defaus,
Boun ome, familiè, plen d'esprit d'aperpaus
Ero dins tout le besinatge,
Mès counégut, beleu à tort,
Per sa débouciou, soun boun cor,
Que per sous escarts de langatge.
Per San Just, i a d'aco prou temps,
Bint ans, beléu mai, beléu mens,
Aco n'a pas grand'empourtense,
Sourjat, coumo pensats, èro'n
rejouissenso.
Le temps èro bèl gracio à Diu ;
La festo toumbo fi d'estiu,
Les estrangès benion per colhos
Les campanos balim balam
Cascalliejabon coumo folhos
Fasen le pu poulit sagan
Embitan tout le besinatge
A beni celebra le patrou del bilatge.
Quand dounc le repiquet sounèc
Poudèts imagina sans peno
Qua la gleisoto èro pleno
Leu la gran messo coumensèc
Nostre curè quant fousquec l'ouro
Escaladec le preichadouro
En apasturan soun grand nas
Abio just un rire couquinas
Proumenèc soun regart sus touto l'assitenço
En fasen un sinne de crouts.

" Mous fraires, s'a faguèt, cresèts que soun urous
De beire bèi touto aquelho aflenso
Per ounoura nostre grand Sant.
Boui remèrci pla, è pourtant,
Bisets me bous dire pecaire
Que debouciou n'abets pas gaire,
Mancats tabes d'umilitat
Me countro direts pos bertat ?
Bèles damos as brasses nudes
Le bostre cos enfastegudes
E joubes moussus touti pouradats
Que benen de la Bilo d'Ats.
Dintrats aci per dous per quatre
Coumo oun dintro dis oun teatre,
Coumo oun bisito oun monument,
Per couriousetat, per pasa un moument,
Abans que jogue la musico
Mès à Diu i pensats pas brico
E bous autres, gens des entours,
D'Ignaus, d'Ascou è de Goulours
S'abets courregut à la Boto
N'es pas crési per eleba
Bostr'amo bèrs le cel afin de la salba,
Es pu lèu per fè la riboto
Per bous fica une bouno pèl
De pescalhous, de car, de croustados,
E beure de bounos rasados,
D'aquel boun oli de Gabèl.
Paurots compreni que bous tardo
D'ana tasta ço que se cots,
E soun segur, tenèts que n'abèts l'aiguo
as pots.
Quant al troupèl dount ai la gardo
N'es pas aquel qu'abio rebat,
Et tapauc, lei pas debrembat
Se mous fidèls sount tant nombrousis,
N'es pas que siguen benguts piousis
Pla lenh d'aqui poudèts pensa
Demandats à las demaisèllos
Perque se soun fèites tant bèlos
S'es pas per s'en ana dansa,
Prega Dieu bèi ! Tio ! Dansaro !
Bouldrion déjà estre deforo,
En tren de sauteja la prumière polka
Ambe qualque goujat de Joucla.
I besi pas de mal, defendi pas la danso
A conticiou que l'on s'amuso ounestament
Mès n'i a trop malurousament
Que despasson les bornos, bous prebeni
d'abanso.
Boli parle des toutourèls,
Que fan Pascos abans Ramèls
E aro maires de familho
Tant ourgoulhouses de bostro filho
Qu'abets dichat bostros fournèls,
Per la bous manja ambes èls
L'abèts aqui, es encaro gento
E belèu encaro innoucento
Mè prenèets gardo à Satanas !
Aquel la quitto pas d'un pas,
E se aquesto nèit s'en ba touto souletto
Soun galant y counto flourette
Sè se deiche poutouneja
Sabets ço que pod arriba
S'èro uno baco ou uno ouelho
Que benguèsso à bous manca
Bous fariots pas tira l'aurelho,
Partiriots bite la cerca
La campanho sirio battudo
Per trouba la bestio perduda
Mè se la filho à mièje néit
N'es pas encaro dins soub leit
S'aprèts le bal n'es pas dintrado
Anats i beire ; ount es passado ?
So que fa dijous l'engart ou darrè le pourtal
Nani ! Boudjets pas de l'oustal
Per bous autres pod fè bestièsos
Dins les recouens dins les cantous
Per vous aura de frescous
De frescous que duraran nau meses.
Es de maires aco ? Nani de carnavals
De trouncassos è de plumals !
Serots un bricounet mai finos
Sauritos que cal garda galinos
Las teni dins la basso cour
Quant le rainart rodo à l'entour
E aban d'acaba, mous fraires bau encaro
Bous parla d'un'espèço raro
Belèu m'abèts endebinat
S'agis des omes de Sourjat
Abèi se soun renduts en bando
N'es pas tant per la meso grando
Soun pas prou bounis catoulics,
Mè per cousina les amics
Charra d'affès de poulitico
Coumo sus la plaço publico
Al loc de prega Diu, coumo tout boun crestia
Parlaron pu leù del bestia
De la baco que ben de taure
De l'ase que cal mena al faure
Des moutous que se benden, car
Se cresen al cafè Bounpart.
Se chanten del sant sacrifici
De l'ostio è mai del cilici
E cal que soune l'esquilhou
Per que baichen le cap à l'elebatiou
O boun Jesus ! O nostre Senhe
Cousi farai per bous fè crenhe
E lour acacha le caquet
O bous qu'atrapèrets un fouet
Per cassa les marchans del temple
Me caldro siègue bostr'exemple
Mès un fouet aco n'es pas prou
Baldro mmès prendre un galanpou
E lour adouci las paterlos
Coumo'l bièl curè de Perlos.
Bando de jouissous de Goujardets
Boun risèts fasèts les flambars
Rirets pos tant quant la camardo
Bous fara plega bostro fardo
Per passa de l'autro coustat
Alabets cridarets pietat !
En tremblan demandarets gracio
An aquel Diu tant bonififacio
Sara trop tart per bous repenti
Et se bous fasets pas rousti
Dins l'eternel four crematori
Bous caldra fè pè nuts un tour al purgatori.
Aici bas tout demourara
Vostre bè è bostro carcasso
E cantaren le libera
E le Requiès cant on passo
Mous fraires bau abe finit
Un joun de festo patrounale
Bous bau fè la soulo mouralo
Dount tirarets calque proufit
Rejouissèts bous ! Fasèts boumbanço
Prenèts pla souen de bostro panso
Que la tisano de gabèl
Trouble un bricou bostre cirbel
Enèque penos è tristesso
Que las parets de Sourjat restrounhon d'allegrasso
Fasèts aunou à toutis plats
Se boulets estre assadoulats
Reculats d'un cran la courrejo
E ieou par pla me coumpourta
Dirèi brespos abèi à très ouros è mièjo
Per bous douna le temps de pla bous affarta.

Jean de BALET 1915
dit Sauto Barraillo
curè de Sourjat
Le curé de Sorgeat n'était pas sans défauts,
Homme bon, familier, plein d'esprit d'à-propos,
Il était dans tout le voisinage,
Plus connu, peut être à tort,
Pour sa dévotion, son bon coeur,
Que pour ses écarts de langage.
Pour Saint Just, il y a de cela assez de temps,
Vingt ans, peut être plus, peut être moins,
Cela n'a pas grande importance,
Sorgeat, comme vous le pensez, était en
réjouissance.
Le temps était beau grâce à Dieu ;
La fête tombe fin d'été,
Les étrangers venaient en bande
Les cloches " balim balam "
Carillonnaient comme des folles
Faisant le plus joli son
Invitant tout le voisinage
A venir célébrer le patron du village.
Quand donc le " repiquet " sonna
Vous pouvez imaginer sans peine
Que la petite église était pleine.
Bientôt la grand messe commença.
Notre curé quand il fût l'heure
Escalada la chaire
En nourrissant son grand nez
Il avait juste un rire coquin
Il promena son regard sur toute l'assistance
En faisant un signe de croix.

" Mes frères, dit-il, vous croyez que je suis heureux
De voir aujourd'hui toute cette foule
Pour honorer notre grand Saint.
Je vous remercie beaucoup, et pourtant,
Voyez moi vous dire pechère
Que de dévotion vous n'en avez pas beaucoup,
Vous manquez aussi d'humilité
Vous ne me contredirais pas, pas vrai ?
Belles dames aux bras nus
Votre corps " enfastegudes "
Et jeunes messieurs tout pomponnés
Qui viennent de la ville d'Ax.
Vous entrez ici par deux par quatre
Comme on entre dans un théâtre
Comme on visite un monument,
Par curiosité, pour passer un moment
Avant que joue la musique.
Mais à Dieu vous n'y pensez pas du tout.
Et vous, gens des alentours,
D'Ignaux, D'Ascou et de Goulours
Si vous avez couru à la fête
Ce n'est pas, je crois, pour élever
Votre âme vers le ciel afin de la sauver,
C'est plutôt pour faire ripaille
Pour vous mettre une bonne ventrée,
De crèpes, de viande, de croustades,
Et boire de bonnes rasades,
De cette bonne huile de " Gabèl ".
Pauvres je comprends qu'il vous tarde
D'aller goûter ce qui cuit,
Et je suis certain, tenez, que vous en avez l'eau aux lèvres.
Quant au troupeau dont j'ai la charge
Ce n'est pas celui dont j'avais rêvé,
Et non plus, je ne l'ai pas oublié
Si mes fidèles sont si nombreux
Ce n'est pas qu'ils soient devenus pieux
Bien loin de là vous pouvez penser.
Demandez aux demoiselles
Pourquoi elles se sont faites si belles
Si ce n'est pas pour aller danser,
Prier Dieu aujourd'hui ! Non ! Danser !
Elles voudraient déjà être dehors,
En train de sautiller la première polka
Avec quelque garçon de Joucla.
Je n'y vois pas de mal, je ne défends pas la danse
A condition que l'on s'amuse honnêtement
Mais il y en a trop malheureusement
Qui dépassent les bornes, je vous préviens
par avance.
Je veux parler des tourtereaux,
Qui font Pâques avant les Rameaux,
Et maintenant mères de famille
Si fières de vos filles
Que vous avez laissé vos fourneaux
Pour vous la manger des yeux,
Vous l'avez là, elle encore charmante
Et peut être encore innocente
Mais prenez garde à Satan !
Celui là ne la quitte pas d'un pas,
Et si cette nuit elle part toute seulette
Son galant lui contant fleurette
Si elle se laisse faire des poutous
Vous savez ce qui peut arriver.
Si c'était une vache ou une brebis
Qui venaient à vous manquer
Vous ne vous feriez pas tirer l'oreille,
Vous partiriez vite la chercher
La campagne serait battue
Pour trouver la bête perdue.
Mais si la fille à minuit
N'est pas encore dans son lit
Si après le bal elle n'est pas rentrée
Allez y voir ; où est elle passée ?
Ce quelle fait sous le hangar ou derrière le portail.
Non ! Vous ne bougez pas de la maison
Pour vous elle peut faire des bêtises
Dans les recoins dans les coins
Pour vous elle aura un refroidissement
Un refroidissement qui durera neuf mois.
Ce sont des mères çà ? Non des dévergondées
De trouncassos è de plumals !
Si vous étiez un petit peu plus malignes
Vous sauriez qu'il faut garder les poules
Les tenir dans la basse cour
Quand le renard rode aux alentours.
Et avant de terminer, mes frères je vais encore
Vous parler d'une espèce rare
Peut être avez vous deviné
Il s'agit des hommes de Sorgeat.
Aujourd'hui ils sont venus nombreux
Ce n'est pas tant pour la grand messe
Ils ne sont pas assez bons catholiques.
Mais pour cuisiner les amis
Parler d'affaires de politique
Comme sur la place publique
Au lieu de prier Dieu comme tout bon chrétien
Ils parleront plutôt du bétail
De la vache qui vient de taureau (en chaleur)
De l'âne qu'il faut mener chez le forgeron
Des moutons qui se vendent, car
Car ils se croient au café Bompart.
Ils se moquent du saint sacrifice
De l'hostie et même du calice
Et il faut que sonne la clochette
Pour qu'ils baissent la tête à l'élévation
Oh bon Jésus ! Oh notre Seigneur
Comment vais-je faire pour vous faire craindre
Et leur faire baisser le caquet
Oh vous qui attrapa un fouet
Pour chasser les marchands du temple
Il me faudra suivre votre exemple
Mais un fouet ce n'est pas assez
Il vaudrait mieux prendre un gourdin
Et leur adoucir les fesses
Comme le vieux curé de Perles.
Bande de jouisseurs de petits goujats
Vous en riez vous faites des flambards
Vous ne rirez pas autant quant la " camardo "
Vous fera ranger votre linge
Pour passer de l'autre côté
Alors vous crierez pitié !
En tremblant vous demanderez grâce
A ce Dieu si miséricordieux
Il sera trop tard pour vous repentir
Et si vous ne vous faites pas rôtir
Dans l'éternel four crématoire
Il vous faudra faire pieds nus un tour au purgatoire.
Ici bas tout restera
Votre bien et votre carcasse
Et nous chanterons le Libèra
Et le Requiem quand on passe.
Mes frères je vais avoir terminé
Un jour de fête patronale
Je vais vous faire la seule morale
Dont vous tirerez quelque profit
Réjouissez vous ! Faites bombance
Prenez bien soin de votre panse
Que la tisane de " gabèl "
Trouble un petit peu votre cerveau
N'ayez pas peine et tristesse
Que les murs de Sorgeat résonnent d'allégresse.
Faites honneur à tous les plats
Si vous voulez être repus
Reculez d'un cran la ceinture.
Et moi pour bien me comporter
Je dirai vêpres à trois heures et demi
Pour vous donner le temps de bien vous gaver.

Jean de BALET 1915
dit Saute Barrière
curé de Sorgeat




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