dim 20 juillet 2025
Tradition - Le repas du cochon

LA CHARCUTAILLE :

Le cochon mort, un travail très important se présentait : il fallait faire les conserves, les charcuteries et les salaisons. La première opération était la confection du boudin tripou ou la tripo. Les ou partie des poumons le llièou,et une ou deux joues gaoutano étaient coupés en petits morceaux et, après avoir précuits, ajoutés au sang.
Certains ajoutaient la cervelle, d'autres la langue. Le parfum était différent selon la maison allant de la fleur d'oranger à l'anis et à l'eau de vie. Ma préférence allait, sans problème, au plus répandu : le boudin nature.

Le mélange salé et poivré était introduit, à l'aide d'un entonnoir imbut spécial possédant une sortie de 2 à 3 centimètres de diamètre, dans un boyau du porc. Le boyau très long était serré tous les 30 ou 50 centimètres à l'aide d'une ficelle.

Lorsque toute la préparation avait été utilisée, les boyaux était mis délicatement dans une grande marmite ou un chaudron pendu dans la cheminée. Il fallait surveiller la cuisson en permanence et ajouter ou retirer en arrière le bois : l'eau devait rester frémissante, car en bouillant elle aurait pu percer les fragiles boyaux et c'était la catastrophe. Il fallait aussi retirer le boudin alors qu'il était cuit mais pas trop car il aurait été sec. Tout un art ....

Ce boudin était ensuite disposé sur des torchons en lin posés sur la table jusqu'au lendemain pour refroidir. On pouvait alors le manger. Un vrai délice ...

Au bout de deux à trois jours, le tueur, toujours lui, revenait à l'aube, le moment où la température était la plus basse. Il devait découper le cochon le dèscarna. Ce travail demandait une connaissance parfaite de l'anatomie du cochon, connaissance qui paraît incroyable pour des autodidactes. Les jambons cambajous, les épaules espallès, la poitrine ventrisca, le plat de côte coustellou, les lards llar, la queue coua, les pieds pès et les os étaient mis dans la maie recouverts de gros sel.
Tous ces morceaux de choix après avoir passé quelques jours au sel, suffisamment pour conserver mais pas trop pour n'être pas trop salés, recouverts de poivre et souvent de cendre pour éloigner les mouches et autres prédateurs, étaient amenés à la maison et passaient le reste de l'hiver pendus au plafond de la cuisine ou d'une pièce ayant une ouverture donnant au Nord. Afin de sécher, ils étaient posés sur des claies clèdots suspendues au plafond par les quatre coins. Dans certaines maisons, on peut encore voir, sur les chevrons, les clous qui servaient à tenir les claies. Il arrivait que l'on fasse faire, à ces salaisons, un séjour d'une à deux semaines sur une planche située dans le manteau de la cheminée pour leur donner un goût de fumé.

Le reste de la viande, filets (longe et côtes), échine, collier, etc... était prélevé et allait servir à la confection des saucisses et saucissons.
Les femmes de l'équipe entraient en action dès que la viande était ramenée à la maison.

Une des premières opérations consistait à couper la graisse en cubes de 2 cm environ. Elle était mise dans un chaudron, sur le feu de cheminée et on la faisait fondre tout doucement, tout en remuant. Il fallait arrêter la cuisson à temps afin de pouvoir prélever les fritons grèicillous. Là aussi il fallait avoir l'oeil !

La graisse servait à recouvrir les os, en particulier ceux de la colonne vertébrale, placés dans les pots en terre ossis pèl coufit. Ces os donnaient, pendant l'année, un goût extraordinaire à la soupe, haricots, lentilles etc... Profitant du fait qu'elle était liquide, on remplissait la vessie, la bichèga ou la boutèlia, du porc préalablement gonflée à l'aide d'un bout de sureau, la canèlla, auquel on avait enlevé le centre. Cette graisse allait, pendant l'année, remplacer l'huile dans la poêle.
La viande, mélangée à du gras, était hachée à l'aide d'une machine manuelle et mise dans une jarre en terre. Là elle était salée et poivrée, puis débutait une séance qui valait le détour : on faisait cuire sur le gril un peu de cette viande le tastet et tout le monde, hommes, femmes, jeunes et vieux goûtait. L'un le trouvait trop salé, l'autre pas assez. L'une disait qu'il manquait du poivre, l'autre disait qu'il y en avait trop ! La discussion durait jusqu'à ce que le tastet soit terminé.
Alors la maîtresse de maison décidait ou se rangeait à l'avis d'une personne dont les capacités gustatives avaient fait leurs preuves. Et le travail reprenait sans que les sceptiques, vexés, ne continuent à murmurer roumègua que c'était eux qui avaient raison.

La viande hachée était mise à l'intérieur des boyaux de différentes tailles à l'aide de la même machine qui avait servi à la hacher mais à laquelle on avait retiré les couteaux. A la sortie on fixait, par une vis, des entonnoirs dont les tubes étaient de différentes tailles suivant le boyau utilisé.


Une des femmes tournait lentement la manivelle ce qui permettait de pousser la viande vers l'avant à travers l'entonnoir, une autre tenait le boyau enfoncé en plusieurs plis autour du tube de l'entonnoir. Il fallait que la viande soit bien tassée, mais, là aussi, juste ce qu'il fallait, c'était une question de doigté. Tous les 15 à 20 centimètres, on serrait le boyau avec deux ficelles distantes d'un centimètre. C'est en coupant entre ces deux ficelles qu'on séparerait les saucissons et les saucisses lorsqu'ils seraient secs. En fin de chaîne une troisième femme regardait attentivement les saucissons et saucisses et à l'aide d'une aiguille à tricoter, munie à l'une de ses extrémités d'un bouchon en liège, afin qu'on ne risque pas de l'oublier dans un saucisson, perçait là où il lui semblait qu'il pouvait y avoir une poche d'air, un oubli pouvait faire rancir le saucisson. (Tous ces accessoires sont visibles sur la photos ci-dessous).
Et puis on préparait aussi la saucisse de foie, si bonne dans une soupe aux choux, et le pâté véritablement pur porc, le cervelas ou fromage de tête et la carbounado fresco qui, cuite sur le gril ou à la poêle, nous laisse encore un goût qui hante nos papilles.

Le saindoux était réalisé, toujours par un homme, en disposant par plis les pannes de gras du cochon. Le pain de graisse était façonné à l'aide d'une large pelle, en fer, chauffée sur le feu. Cette pelle servait également à sortir les braises du four à bois avant d'enfourner le pain.

Le travail terminé, après avoir pris le traditionnel café, chacune repartait en emportant un échantillonnage des produits à consommer frais : fritons, carbonade, boudin. Comme ces sacrifices étaient, suivant les familles, échelonnés de Noël à Carnaval environ, on mangeait de cette extraordinaire charcuterie pendant toute la période. Nos anciens savaient vivre en société !....


Restait encore un grand moment : la festo dèl porc, "la fête du cochon". Toute la famille et les amis se retrouvaient pour un repas très copieux, commençant traditionnellement par la soupe de poule ou d'un pot au feu et se terminant très souvent par la croustade ou les îles flottantes. Puis venait la boura, jeu de cartes, réservé aux hommes, où l'on jouait de l'argent, chose assez rare chez les montagnards. Pour la grande majorité des participants, c'était la seule occasion de taquiner le hasard. Oh ! il ne se jouait pas des fortunes, quelques sous seulement. Si quelqu'un sortait un billet, gare !, la femme veillait au grain tout en discutant ou en tricotant et le èts pas botch (" tu n'es pas fou ") fusait immédiatement. La partie s'accompagnait presque toujours d'un vin chaud bi cao. C'était du vin rouge dans lequel on ajoutait un bâton de vanille, du sucre et des écorces d'oranges séchées et que l'on faisait chauffer dans la cheminée.

Tout cela vous faisait oublier le froid qui régnait dehors et qu'on ne pouvait mesurer qu'à l'épaisseur de la glace qui recouvrait l'abreuvoir, le thermomètre n'existait pas à Sorgeat...





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